Emile Zola critique d’art dans Les Trois Villes et les Evangiles

Dans Les Trois Villes – Lourdes, Rome et Paris, Zola tente un bilan de son temps, marqué par le retour du spiritualisme et par l’exaltation morbide du néant, avant de rêver les Evangiles républicains, Fécondité, Travail, Vérité (Justice, interrompu par la mort du romancier, restera à l’état d’ébauche).

S’il n’oublie pas ses tendresses pour les arts plastiques, il théorise plus qu’il ne dramatise : renouant avec la méthode balzacienne, il mobilise parfois les connaissances du lecteur pour évoquer un visage, comme celui de Benedetta dans Rome, qui ressemble au portrait de Béatrice Cenci par Guido Reni ; mais, au lieu de décrire le monde à travers des modèles secrètement empruntés aux peintres qu’il aime, comme dans Les Rougon-Macquart, Zola met le plus souvent en scène des personnages d’artistes ou de spectateurs chargés de ventiler l’information. A travers les points de vue croisés de Pierre et de Narcisse, c’est à une visite guidée de la cité papale et, en particulier de la Chapelle Sixtine, qu’il convie le lecteur dans Rome. Narcisse, l’esthète efféminé, amoureux des figures graciles de Botticelli et des extases sensuelles du Bernin, s’oppose à Pierre dont le solide bon sens, la santé morale trouvent à se satisfaire dans les créations « viriles » et colorées de Michel-Ange, infiniment supérieures au dessin raffiné de Raphaël…

Paris célèbre les primitifs, initiateurs du réalisme dont Antoine veut introduire la solide vérité dans la gravure tandis que Jahan, sculpteur anticonformiste du Sacré-Cœur, se désole de voir l’académisme et la sculpture « poncive » l’emporter sur la foi dans le tempérament.

Fécondité, qui milite contre la « théorie imbécile » de « la beauté physique » et de « la noblesse morale mises dans la vierge » en appelle à Titien, à Raphaël, à Rubens, pour réhabiliter la maternité puissante qu’incarnait déjà Clotilde dans Le Docteur Pascal, qu’incarne plus encore Marianne dans le plaidoyer nataliste d’Emile Zola.

Travail, enfin, affirme la nécessité d’allier, pour les prolétaires délivrés de l’aliénation par le progrès technique, « métier manuel » et culture artistique : « Et […] la beauté fleurissait, les enfants passaient par des cours de musique, de dessin, de peinture, de sculpture, où dans les âmes éveillées, naissaient les joies de l’existence ». C’est le dernier mot des Evangiles artistiques d’Emile Zola.

 

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