le jury du Salon

C’est Colbert, en 1667, qui organisa, dans le Salon Carré du Louvre, la première « exposition périodique d’artistes vivants ». D’abord consacré aux académiciens, qui y présentaient librement leurs œuvres, il ne s’ouvrit que tardivement aux artistes qui n’appartenaient pas à l’Institut. Si dans les années de tourmente révolutionnaire, en 1791 et en 1848, il fut accessible à tous, le Salon resta la majeure partie du temps sous la coupe de l’Académie des Beaux-Arts qui avait la mainmise sur la sélection des tableaux, des sculptures et des projets d’architecture dignes d’être présentés au public : lorsqu’un examen d’admission fut créé, en 1798, les académiciens en furent bien vite dispensés avant de constituer eux-mêmes le jury sous la monarchie de Juillet ; un moment contestée dans ses prérogatives par Louis-Napoléon Bonaparte, qui nomma le jury de l’Exposition Universelle de 55 par décret, l’Académie fut pleinement rétablie dans son rôle par Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-arts de Napoléon III, en 1857.
Cependant, troublé par « les protestations, les réclamations continues des artistes », Napoléon III, « rêveur silencieux » qui hésitait constamment entre utopie saint-simonienne et répression brutale, décida « le coup d’Etat artistique » du Salon des Refusés en avril 1863. Néanmoins, malgré des apparences plus démocratiques, les décrets impériaux qui réformèrent ensuite l’organisation du Salon officiel, laissèrent la part belle à l’Institut : une décision de Novembre 1863 fixa à trois quarts le nombre des jurés élus par les artistes ayant obtenu des récompenses et à un quart seulement celui des jurés désignés par l’administration mais, comme le montre Zola dans L’Evénement, les 27 et 30 avril 1866 on ne pouvait guère attendre d’innovations de ceux qu’avait déjà couronnés l’Académie ! Quant aux mesures de 1869, plus libérales encore (elles laissaient aux artistes ayant exposé au moins une fois le droit de choisir aux deux tiers leurs propres juges, entrebâillant ainsi la porte aux impressionnistes), elles furent abolies par la III° République qui restaura l’autorité de l’Académie. Ce n’est qu’en 1881 que l’Etat abandonna tout contrôle sur le Salon annuel, désormais confié à une Société nationale des artistes français regroupant tous ceux qui avaient été admis une fois à exposer. Mais cette refonte de l’institution eut des effets pervers que Zola dénonce dans l’ L’Œuvre en trichant avec la chronologie. Le Salon devint en effet l’enjeu de factions rivales ; c’est ainsi que Fagerolles, à force d’intrigues et de promesses aux candidats en mal d’exposition, parvient à se faire élire comme membre du jury : « dans le tumulte et l’éternel mécontentement des artistes, après des tentatives de réformes vingt fois reprises, puis abandonnées, l’administration venait de confier aux exposants le droit d’élire eux-mêmes les membres du jury d’admission, écrit Zola ; et cela bouleversait le monde de la peinture et de la sculpture, une véritable fièvre électorale s’était déclarée, les ambitions, les coteries, les intrigues, toute la basse cuisine qui déshonore la politique. » Pour échapper à cette dérive démagogique, Zola préconisait que l’on ouvre « le grand bazar du beau » malgré le risque de médiocrité, « le Salon libre pour tous les exposants ».

 

 

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