Fromentin

Les premiers articles de Mon Salon, où Zola attaque d’emblée le jury du Salon, ont fait sensation ; il démonte ici les rouages de « la machine » qui a bouté hors du Salon « les toiles fortes et vivantes » de ManetFromentin, peintre orientaliste, membre du jury, est une des roues de cette machine à exclure « les personnalités ». « Grand ami de M. Bida », il fait partie de la coterie qui a décidé de cacher au public tout un pan de l’histoire de l’art au XIX° siècle. Au-delà de la mesquinerie et du ressentiment, il lutte pour une conception académique de la peinture qui fait passer la précision du détail avant le sentiment de l’ensemble et l’idéal avant l’âpre vérité de la nature. Zola déteste cet art du bibelot :

M. Fromentin. Grand ami de M. Bida. Il a été en Afrique et en a rapporté de délicieux sujets de pendule. Ses Bédouins sont d’un propre à manger dans leurs assiettes. Tous ces artistes suaves, qui comprennent la poésie, qui déjeunent d’un rêve et qui dînent d’un songe, ont de saints effrois à la vue des toiles leur rappelant la nature, qu’ils ont déclarée trop sale pour eux.

Le jury (2) – Mon Salon – L’Evénement, le 30 avril 1866

Fromentin exposait deux toiles au Salon de 1866, Tribu nomade en marche vers les pâturages du Tell et Etang dans les oasis ; Sahara. Zola les éreinte « avec volupté » :

J’abandonne volontiers les notes que je suis allé prendre sur M. Fromentin et sur M. Nazon, sur M. Dubufe et sur M. Gérome. J’avais toute une campagne en tête, je m’étais plu à aiguiser mes armes pour les rendre plus tranchantes. Et je vous jure que c’est avec une volupté intime que je jette là toute ma ferraille.
Je ne parlerai point de M. Fromentin et de la sauce épicée dont il assaisonne la peinture. Ce peintre nous a donné un Orient qui, par un rare prodige, a de la couleur sans avoir de la lumière. Je sais d’ailleurs que M. Fromentin est le dieu du jour ; je m’évite la peine de lui demander des arbres et des cieux plus vivants, et surtout de réclamer de lui une saine et forte originalité, au lieu de ce faux tempérament de coloriste qui rappelle Delacroix comme les devants de cheminée rappellent les toiles de Véronèse.

Adieux d’un critique d’art – Mon Salon – L’Evénement, le 20 mai1866

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