Initié à la peinture à l’huile et au plein air par Boudin, Monet semble avoir quitté le Havre pour Paris en 1858. Il y rencontre Pissarro avec lequel il travaillera à l’académie Suisse. Visiteur du Salon de 1859, il s’enthousiasme pour les ciels d’orage et les effets de brouillard de Troyon, de Daubigny et de Corot et rejette vigoureusement l’esthétique néo-grecque d’Hamon. D’emblée, c’est le paysagiste qui s’affirme en Monet, grand admirateur de Dupré, de Théodore Rousseau et de l’orientaliste Marillhat. Habitué de la brasserie des Martyrs, quatier général de Courbet, il fréquente Alphonse Daudet, Castagnary et les défenseurs du réalisme. Un séjour en Algérie, où il fait une seule année de service militaire entre l’été 61 et l’été 1862 (sa tante l’ayant « racheté » après une fièvre typhoïde), lui révèle, sans qu’il en ait encore conscience, la lumière et la couleur. L’enseignement de Jondking, en 1862, achève « l’éducation définitive de son œil ». De retour à Paris en novembre 1862, il s’inscrit à l’atelier de Gleyre où il rencontre Bazille, Renoir et Sisley. Il y reste jusqu’en 1864, année de la fermeture de l’atelier. En 1863, il peint sur le motif à Chailly-en-Bière avec ses nouveaux amis ; en 1864, Bazille l’accompagne en Normandie. Installé à l’auberge de la mère Toutain, il travaille à des vues de Honfleur et de ses envrions : Rue de la Bavolle (Musée des beaux-arts Boston), La Lieutenance, Chapelle Notre-Dame-de- Grâce, Le Phare de l’hospice, La Route de la Ferme Saint-Siméon (Tokyo).
Accepté au Salon de 1865 avec L’Embouchure de la Seine à Honfleur (privé) et La Pointe de la Hève à marée basse qui lui doivent les louanges de plusieurs critiques, Monet est d’emblée associé à Manet qui expose cette année-là la sulfureuse Olympia. Encore très influencé par les peintres de l’Ecole de Barbizon, il peint Le Chêne de Bodmer au Bas Bréau (Metropolian Museum of Art of New York) et le Pavé de Chailly. Les encouragements de Courbet, qui vient le voir à Chailly, le confortent dans son projet d’un grand tableau regroupant plusieurs figures dans une clairière : le Déjeuner sur l’herbe, dont il ne reste que Bazille et Camille, l’étude préparatoire de la NGA of Washington, et les fragments du musée d’Orsay, donnera à Manet l’idée de renommer son propre tableau, jusqu’alors appelé Le Bain.
Zola découvre Monet au Salon de 1866 où il expose le Pavé de Chailly et Camille, dit La Femme à la robe verte :
J’avoue que la toile qui m’a le plus longtemps arrêté est la Camille, de M. Monet. C’est là une peinture énergique et vivante. Je venais de parcourir ces salles si froides et si vides, las de ne rencontrer aucun talent nouveau, lorsque j’ai aperçu cette jeune femme, traînant sa longue robe et s’enfonçant dans le mur, comme s’il y avait eu un trou. Vous ne sauriez croire combien il est bon d’admirer un peu, lorsqu’on est fatigué de rire et de hausser les épaules.
Je ne connais pas M. Monet, je crois même que jamais auparavant je n’avais regardé attentivement une de ses toiles. Il me semble cependant que je suis un de ses vieux amis. Et cela parce que son tableau me conte toute une histoire d’énergie et de vérité.
Eh oui ! voilà un tempérament, voilà un homme dans la foule de ces eunuques. Regardez les toiles voisines, et voyez quelle piteuse mine elles font à côté de cette fenêtre ouverte sur la nature. Ici, il y a plus qu’un réaliste, il y a un interprète délicat et fort qui a su rendre chaque détail sans tomber dans la sécheresse.
Voyez la robe. Elle est souple et solide. Elle traîne mollement, elle vit, elle dit tout haut qui est cette femme. Ce n’est pas là une robe de poupée, un de ces chiffons de mousseline dont on habille les rêves ; c’est de la bonne soie, qui serait trop lourde sur les crèmes fouettées de M. Dubufe. »
Mon Salon 1866
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