Fantin-Latour

Bien qu’élogieux pour Fantin-Latour dans Les Salons, Zola ne semble pas entièrement convaincu par ce technicien habile dont les toiles attirent parfois la foule :

Mais je m’oublie, je voulais encore vous dire que la foule s’arrêtait devant la toile où Fantin-Latour a groupé tout un cénacle de jeunes poètes. Et maintenant je m’arrête, car j’ai peur de recommencer mes mauvais coups d’autrefois.

Lettres parisiennes 12 mai 1872

M. Fantin-Latour, un peintre naturaliste qui a une grande science de la couleur, a exposé le portrait d’une dame et d’un monsieur, une des meilleures toiles du Salon.

Lettre de Paris (2 mai 1875)

Portrait de M. et Mme Edwards

Je ne saurais non plus taire mon admiration pour le tableau de Fantin comprenant deux portraits : M. et Mme E ***. L’époux est assis sur un siège et feuillette un album de gravures ; sa femme, debout à côté de lui, les regarde. Tout cela est très juste et simple. Rien d’étudié : les deux figures sont vues comme dans la vie réelle, cela a suffi pour créer une œuvre admirable. Fantin est un des peintres de la jeune école naturaliste. Il a déjà remporté de grands succès ; mais ses œuvres sont particulièrement estimées en Angleterre ; il envoie là-bas presque toutes ses toiles. C’est un technicien très habile, et les copies qu’il a exécutées des Noces de Cana jouissent d’une popularité bruyante.

Lettres de Paris, une exposition de tableau à Paris juin 1875

L’Anniversaire

Je citerai enfin le tableau étrange de Fantin-Latour, appelé L’Anniversaire. C’est un hommage à Berlioz. Quelques figures tressent des guirlandes de fleurs autour du médaillon du grand musicien. La Musique se lamente, tandis que les créations lyriques du maestro, personnifiées par les héroïnes de ses opéras, jettent des couronnes. Tout cela est bien obscur et allégorique. Mais on ne peut se défendre de louer sans réserve la peinture habile, si ardente et limpide de tons et de couleurs. Bien que le tableau de Fantin n’attire pas particulièrement l’attention du public, il n’en compte pas moins comme une des trois ou quatre compositions les mieux réussies du Salon. J’applaudis surtout à l’originalité de la conception et de l’exécution.

Lettres de Paris ; deux expositions au mois de mai (juin1876)

Je passe aux portraits, et j’y trouve encore le naturalisme triomphant. M. Fantin-Latour a surtout un portrait, celui de Mlle L. R *** , qui est une merveille de science.

Portrait de Melle Louise Riesener

L’artiste est un savant dans son art ; il a passé des années à étudier les maîtres, il connaît sa palette comme personne au monde ; et cette science ne l’empêche pas d’être respectueux devant la nature, de la consulter toujours et de lui obéir. Chacune de ses toiles est un acte de conscience. Il excelle à peindre les figures dans l’air où elles vivent, à leur donner une vie chaude et souple ; c’est ce qui fait que, malgré le cadre restreint où il s’est enfermé, ne sortant guère du portrait, il n’en a pas moins une situation à part, très haute. Si j’avais un reproche à faire à sa peinture, ce serait un peu de mollesse et des tons trop travaillés ; mais justement, cette année, le portrait qu’il expose est un de ceux qu’il a peints le plus solidement. Les toiles de M. Fantin-Latour ne sautent pas aux yeux, n’accrochent pas au passage ; il faut les regarde longtemps, les pénétrer, et leur conscience , leur vérité simple vous prennent tout entier et vous retiennent.

Le naturalisme au Salon – 1880

Zola nomme une dernière fois Fantin-Latour, qui expose deux toiles, La Toilette et Vénus et les Amours en 1896 dans Peinture mais il ne commente pas ses oeuvres, il se contente d’évoquer avec émotion l’amitié qui l’a lié au peintre dans ses jeunes années.

 

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