Delaroche (Paul), 1797-1856

Zola mentionne à peine Paul Delaroche, qui fut le professeur de Gérome et de Millet et pour lequel il a le plus grand mépris : il apprenait à ses élèves « à ne pas peindre et à colorier des images péniblement cherchées et inventées », écrit-il le 1er juillet 1867 dans Nos Peintres au Champ de Mars.

C’est que Paul Delaroche était, comme l’écrit Bruno Foucart, un artiste du « juste milieu », un artiste du « goût moyen » dont l’œuvre réconciliait (ou tentait de réconcilier) les talents antagonistes du néoclassique Ingres et du romantique Delacroix, à la grande satisfaction du public.
La facture des toiles (les jeux du clair-obscur, la gamme sourde de la palette, le jeu des arabesques et la précision du dessin) en fait un disciple d’Ingres tandis que les sujets ont quelque chose de Delacroix. Mais le romantisme de Delaroche confine au mélodrame et les Goncourt n’avaient pas de mots assez durs, dans Manette Salomon, contre « la désastreuse influence de la littérature sur la peinture » qui caractérise son œuvre. Paul Delaroche, écrivaient-ils, est « un peintre de prose, […] l’habile arrangeur théâtral, le très adroit metteur en scène des cinquièmes actes de chronique, l’élève de Walter Scott et de Casimir Delavigne, figeant le passé dans le trompe-l’œil d’une couleur locale à laquelle manquaient la vie, le mouvement, la résurrection de l’émotion.


Les Enfants d’Édouard (1831, Louvre) montre ainsi les deux enfants du roi Edouard IV d’Angleterre, que leur oncle a enfermés dans la Tour de Londres après la mort de leur père, au moment où ils vont être assassinés : blottis l’un contre l’autre, les deux garçons sont horrifiés au bruit des pas de leur bourreau que l’on devine au regard du chien, tourné vers la porte ; on retrouve le même pathos grandiloquent dans Scène de la Saint-Barthélemy (1826, musée de Königsberg), La Mort d’Élisabeth d’Angleterre (1827, Louvre), Cromwell ouvrant le cercueil et contemplant le cadavre décapité de Charles Ier (1831, Nîmes), Napoléon à Fontainebleau (1845, hôtel des Invalides), Marie-Antoinette sortant de son procès (1851).

Peintre de mélodrame historique, Paul Delaroche est aussi le peintre du sentimentalisme religieux qui caractérise les années 50 comme en témoignent par exemple la Mater dolorosa (1853, musée de Liège) et La Jeune Martyre (1855)ou L’Évanouissement de la Vierge (1856, Louvre). Tout cela méritait bien une récompense : Paul Delaroche se verra confier décoration de l’hémicycle de l’École des beaux-arts, où triomphe l’éclectisme.

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