Caillebotte

Zola le notera en 1880 dans Le Naturalisme au Salon, Caillebotte est un « garçon riche » : sa fortune lui permet de se passer de la reconnaissance officielle du Salon. Elle lui permet aussi de venir en aide aux impressionnistes dont nous n’aurions pas conservé le souvenir sans le fameux legs Caillebotte ! Collectionnant les tableaux de ses amis depuis 1875, Caillebotte en fait don par testament à l’Etat dès 1876 : « Je donne à l’Etat les tableaux que je possède ; seulement, comme je veux que ce don soit accepté et le soit de telle façon que les tableaux n’aillent ni dans un grenier ni dans un musée de province, mais bien au Luxembourg et plus tard au Louvre, il est nécessaire que s’écoule un certain temps avant l’exécution de cette clause jusqu’à ce que le public, je ne dis pas comprenne, mais admette cette peinture. Ce temps peut-être de vingt ans au plus. En attendant mon frère Martial, et à son défaut un autre de mes héritiers, les conservera. Je prie Renoir d’être mon exécuteur testamentaire […] » Mais L’Etat n’a aucune envie d’accepter le legs Caillebotte : les académistes, Gérome en tête, font barrage à l’entrée dans le patrimoine artistique de la Fance d’œuvres qu’ils ont constamment refusées au Salon !

Il faudra attendre 1896 pour que le Conseil d’Etat autorise les Musées Nationaux à sélectionner les toiles dignes de figurer au musée du Luxembourg. Vingt sept tableaux sont refusés ! Sept pastels de Degas, huit Monet, six Renoir, sept Pissarro, cinq Sisley, deux Cézanne et deux Caillebotte (joints au legs par Martial Caillebote après la mort de son frère) sont exposés dans une annexe du musée du Luxembourg en 1897. L’exposition provoque une véritable émeute et un scandale politique : on se bat devant les toiles, Gérôme et dix-sept de ses collègues, membres de l’Institut, se répandent en insultes contre les impressionnistes dans une lettre de protestation, le Sénat est saisi de l’affaire ! L’honneur de la France est menacé !

Caillebotte, élève de Bonnat, est entré à l’Ecole des Beaux-arts en 1873. Il en gardera toujours la marque, malgré l’originalité de ses perspectives, dans le réalisme appuyé de sa facture. C’est Degas qui introduit Caillebotte dans le cercle des impressionnistes : refusé au Salon de 1874, le jeune peintre accepte la proposition de Renoir qui l’invite à se joindre aux artistes rebelles lors de la II° Exposition Impressionniste. Il y présente huit toiles : Raboteurs de parquetJeune Homme jouant au piano, Jeune Homme à sa fenêtre, Déjeuner, Après Déjeuner et deux Jardin.

Si Zola défend les impressionnistes contre les quolibets de la foule et contre l’intolérance du jury académique, il est sans complaisance pour ses camarades, il est sévère avec Caillebotte dont il admire les mises en page mais dont il dénonce le réalisme photographique dès la deuxième exposition impressionniste, qui se déroule rue Lepelletier, dans les locaux de Durand-Ruel :

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M. Caillebotte a des Raboteurs de parquets et Un jeune homme à sa fenêtre, d’un relief étonnant. Seulement, c’est là de la peinture bien anti-artistique, une peinture propre, une glace, bourgeoise à force d’exactitude. Le décalque de la vérité, sans l’impression originale du peintre, est une pauvre chose.

Lettre de Paris – mai 1876

Caillebotte a exposé Les Raboteurs de parquet et Un jeune homme à sa fenêtre, d’un relief étonnant. Seulement c’est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise, à force d’exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable.

Lettres de Paris – juin 1876

Le jugement de Zola se fait plus nuancé en 1877, lors de la troisième exposition impressionniste que le peintre a contribué à financer. Il y présente six toiles, Rue de Paris, temps de pluieLe Pont de l’Europe, Portraits à la campagne, Portrait de Madame C ; Portrait et Peintres en bâtiments :

Enfin, je nommerai M. Caillebotte, un jeune peintre du plus beau courage et qui ne recule pas devant les sujets modernes grandeur nature. Sa Rue de Paris par un temps de pluie montre des passants, surtout un monsieur et une dame au premier plan qui sont d’une belle vérité. Lorsque son talent se sera un peu assoupli encore, M. Caillebotte sera certainement un des plus hardis du groupe .

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Notes Parisiennes – Une Exposition : Les Peintres impressionnistes 1877

Zola ne dit rien de Caillebote lors de la IV Exposition impressionniste. Le peintre montre pourtant de vrais chefs-d’œuvre, des scènes de canotage, parmi lesquels Périssoires et La Rue Halévy vue du sixième étage ; pour la première fois peut-être dans ce merveilleux paysage urbain, il se départit du style un peu sec que lui reprochera Zola, une fois encore, en 1880 (il expose alors Autoportrait, Dans Un Café et Vue prise à travers un balcon) :

Les différents panneaux d'un triptyque peint par Gustave Caillebotte réunis pour la première fois à Rennes Gustave Caillebotte : Périssoires sur l'Yerres (1877) - National Gallery of Art, Washington
Triptyque réunissant Baigneurs, bords de l’Yerres, Périssoires et Pêche à la ligne et Périssoires sur l’Yerres
Fichier:G. Caillebotte - Dans un café.jpg — Wikipédia akg-images - Vue prise à travers un balcon
Dans un café et Vue prise à travers un balcon

M. Caillebotte est un artiste très consciencieux, dont la facture est un peu sèche, mais qui a le courage des grands efforts et qui cherche avec la résolution la plus virile.

Le naturalisme au Salon – 1880

En 1881, opposé à Degas, il ne participe pas à la VI° Exposition impressionniste, et il ne doit sa présence à la VII°, avec dix-sept toiles !) qu’à Monet : celui-ci s’est vigoureusement opposé à l’exclusion de son ami, voulue par Pissarro (qui lui doit pourtant certaines de ses perspectives !), Gauguin et Guillaumin ! Autant dire que Zola n’exagère pas, dans L’Œuvre, en parlant des dissensions qui affaiblissent le groupe !… A l’instar de Monet, Caillebotte ne participera pas à la dernière exposition impressionniste, en 1886.

Caillebotte peintre et jardinier dans une exposition contemporaine

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